MiniPest vise la réduction des phytos pour les cultures industrielles
Le projet MiniPest, porté par la chambre d’agriculture des Hauts-de-France et financé dans le cadre de Dephy Expe, vise à limiter autant que possible l’utilisation de produits phytosanitaires pour les cultures industrielles. Après 12 ans d’expérimentation, les résultats permettent une réduction des IFT de 60 %. Un succès, freiné par l’apparition de nouveaux ravageurs.
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Dans la conquête d’une agriculture plus vertueuse, les cultures industrielles ne sont pas en première ligne. Céréales, betteraves et pommes de terre nécessitent en général des passages répétés de produits phytosanitaires. En 2012, le président de la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais revient alarmé d’une réunion sur Ecophyto : c’est son département qui utilise le plus de produits phytosanitaires. Le mot d’ordre est donné : il faut réduire l’utilisation de produits phytosanitaires sur les cultures industrielles.
C’est au même moment que le réseau Dephy Expe se met en place, en parallèle aux fermes Dephy. Ce dispositif prévoit le financement d’expérimentations visant à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires.
La chambre d’agriculture monte alors le projet MiniPest, en partenariat avec l’école d’ingénieurs agronomes Junia de Lille, la Fredon, le lycée agricole d’Arras, l’Institut technique de la betterave et le Pôle Légumes Région Nord. « Nous disposons de deux sites expérimentaux, explique Bruno Pottiez, qui porte le projet pour la chambre d’agriculture. L’un des sites est orienté cultures légumières, avec le chou-fleur, l’oignon, le blé et la pomme de terre, et l’autre est dédié aux grandes cultures, avec la betterave, le pois de conserve, le colza, et, aussi le blé et la pomme de terre. »
Les deux sites prévoient l’implantation de toutes les cultures tous les ans, afin que les résultats ne puissent pas être faussés par des années aux climats exceptionnels.
Combinaison de leviers
Les itinéraires techniques mis en œuvre combinent de nombreux leviers : implantation de variétés précoces en colza, pour détourner les méligèthes, variétés résistantes aux maladies, outils d’aide à la décision, faux semis, désherbage mécanique avec une herse étrille ou une bineuse moulinet, filet anti-insectes, rampe localisée pour un traitement ciblé, etc.
« Nous avons également recours au biocontrôle, précise Bruno Pottiez. Mais il y a peu de solutions : le phosphate ferrique en anti-limace, il y a Pygmalion en fongicide blé depuis deux ans. Mais en grandes cultures, les innovations restent timides. Nous utilisions Beloukha, un bioherbicide, mais avec l’arrêt du Round-up, il a été fléché vers les particuliers, et son tarif est désormais prohibitif ». Le problème du prix se pose aussi pour les variétés d’oignons résistantes au mildiou. Un sélectionneur détenant un quasi monopole sur cette innovation génétique a fait le choix de cibler les producteurs bio, ce qui rend le prix trop élevé pour des agriculteurs conventionnels.
Réduction de l’IFT jusqu’à 60 %
Au cours des six années de Dephy Expe 1, les chercheurs parviennent à diminuer de 50 % les IFT. Le projet est reconduit en 2018, avec pour objectif de n’utiliser les produits phytosanitaires qu’en dernier recours. Il s’est achevé en 2023. « Entre nous, nous visions une réduction de 70 % mais nous ne sommes pas parvenus à aller au-delà de 60 %, explique Bruno Pottiez. L’une des raisons est l’émergence de nouveaux ravageurs, auxquels nous n’étions pas confrontés dans notre région il y a dix ans. » En moyenne, sur 12 années d’expérimentation, le projet MiniPest enregistre une perte de rendements de seulement 6 %. Cependant, les marges brutes ont été affectées par ces variations : en grandes cultures, la baisse de marge est de 100 euros, tandis qu’en cultures légumières, elle atteint 450 euros, en raison des opérations manuelles de désherbage.
Situation bloquée sur le partage du risque
Si les chercheurs ont essayé de mobiliser tous les leviers possibles, le transfert de leurs résultats dans les exploitations pourrait être plus modeste, de l’ordre de 20 à 30 % de réduction des IFT. D’autant qu’en cultures industrielles et légumières, une impasse sur un fongicide peut avoir un impact catastrophique en termes de résultat, des lots entiers pouvant être refusés. « Il doit y avoir des discussions avec toutes les parties prenantes, sur le partage du risque, en cas de suppression de certains passages de phytos » estime Bruno Pottiez.
C’est pourquoi les membres du projet MiniPest ont sollicité les industriels de la région : Bonduelle, McCain, Tereos, etc. « Une enquête a été menée pour connaître leur avis sur la réduction des IFT, et les moyens à mettre en œuvre pour y arriver, pointe Bruno Pottiez. Mais la situation est bloquée : bien sûr, ces acteurs sont favorables à la réduction des phytos, mais ils ne veulent prendre aucun risque, ni financier, ni en termes de changement de cahier des charges ».
Les parties prenantes du projet ont sollicité Dephy Expe pour poursuivre l’expérimentation pour six années supplémentaires. Le cahier des charges évolue, et les chercheurs comptent désormais se pencher sur les enjeux du changement climatique : carbone, agriculture de conservation, économie des ressources hydriques, en plus des produits phytosanitaires. « C’est un sujet qui prend de l’ampleur, même dans notre région, en particulier avec l’apparition de nouveaux projets industriels gourmands en eau », estime Bruno Pottiez. Ils sauront en décembre si MiniPest est reconduit pour six ans.
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